17 Mar L’impôt à la source, initiative efficace ou complication administrative ?
Le débat concernant l’impôt à la source refait surface en ce début d’année. Michel Sapin, ministre des Finances, et Christian Eckert, secrétaire d’Etat au Budget, ont ainsi présenté ce mercredi 16 mars 2016 les grandes lignes d’une réforme qui a déjà fait couler beaucoup d’encre.
Est-ce une bonne initiative ou encore une source de complication ? Selon les agents économiques, les avantages et les difficultés sont différents. En effet, une telle réforme impliquerait les institutions, les ménages et les entreprises.
- Un calcul de l’impôt complexe
- Les avantages de l’impôt à la source
- Les entreprises responsables de l’impôt à la source
- Les difficultés potentielles de l’impôt à la source
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Un calcul de l’impôt complexe
En Europe, la France est l’un des rares Etats à ne pas être passé à l’impôt à la source.Et pour cause, nous sommes probablement le pays où le calcul de l’impôt sur le revenu est le plus complexe.
Il est l’outil préféré par les gouvernements successifs pour servir de levier économique et social. Par exemple, pour aider les bas revenus,on répond par la prime pour l’emploi, pour relancer la construction, on répond par la déductibilité des intérêts d’emprunt, pour favoriser la famille, on répond par le calcul du quotient familial, pour relancer les emplois de service, on répond par le CESU…
Autrement dit, tout ou presque passe par la case impôt sur le revenu. L’impôt à la source nécessitera au choix, de casser le système de l’impôt sur le revenu comme outil centralisateur ou bien l’adapter sous forme de régularisation a posteriori.
Les avantages de l’impôt à la source
Relance économique par l’impôt à la source
Le premier est temporaire et serait une relance économique grâce à l’année blanche liée au décalage. L’Islande qui a mis en place le prélèvement à la source en 1988 n’a pas taxé les revenus de l’année précédente. Résultat, selon les calculs de l’économiste Alain Trannoy, l’emploi total a augmenté de 3% et le taux de croissance a été dopé de 4% par rapport aux années antérieures.
Si la France met en place le système en janvier 2018, alors elle ne bénéficiera pas de l’impôt de 2017 puisqu’en 2017 les ménages paieront ceux de 2016 et on peut donc s’attendre à une croissance accrue grâce à cet argent que les ménages vont réinjecter dans l’économie.
Mais le pari n’est pas gagné puisque le gouvernement a évoqué la fausse bonne idée d’une mise en place avec un lissage sur 3 ans, ce qui complexifierait considérablement la mise en place entre tous les acteurs et priverait à coup sûr le gain économique dont nos voisins islandais ont bénéficiés. Il faut dire que l’impôt sur le revenu représente dans notre pays un enjeu à 75 milliards d’euros (20% du budget de l’Etat).
Système d’anti-fraude fiscale
Le second avantage est celui de la fraude fiscale. Si ce sont les employeurs qui se chargent de la déclaration de revenu pour le compte du salarié alors la fraude devient plus compliquée. L’efficacité des saisies arrêts où l’argent dû à l’administration est prélevé directement chez l’employeur n’est plus à démontrer.
Au niveau des ménages, l’impôt à la source risquerait au pire de faire perdre des avantages liés aux diverses déductions et au mieux déclencher un système à deux vitesses: les salaires seront imposés au moment où ils sont versés mais les autres éléments et notamment ceux qui sont déductibles seront calculés en décalage d’une année à l’aide d’une déclaration «hors salaire».
Si on souhaitait en effet conserver le même système d’imposition qu’actuellement, il faudrait que l’employeur récolte aussi les heures de gardes d’enfants et les emprunts immobiliers par exemple, ce qui paraît difficilement envisageable.
L’avantage pour le salarié reste le fait de ne pas avoir besoin de provisionner ses impôts ou de se retrouver dans une situation difficile liée à une baisse de revenu.
Pourquoi les entreprises sont-elles responsables de l’impôt à la source ?
Les entreprises responsables de l’impôt à la source
Comme souvent, ce sont les entreprises qui risquent de payer le coût de la réforme. Pour les non-initiés, récolter l’impôt serait juste une ligne de plus sur le bulletin de salaire, mais ce n’est malheureusement pas aussi simple. Il suffit de regarder le calcul de la réduction dite «Fillon» ou encore le CICE pour s’en rendre compte.
La récente (et toujours en cours) mise en place de la Déclaration Sociale Nominative (DSN) qui permet d’envoyer les informations personnelles des salariés ainsi que les éléments de salaire à l’administration mensuellement et sous forme dématérialisée est un premier pas dans le sens de cette réforme. Il n’en demeure pas moins que la responsabilité de la déclaration reviendrait entièrement à l’employeur sans compter les coûts de paramétrage pour le mettre en place dans les outils SIRH.
Le calcul en lui-même peut être porté par l’administration fiscale sauf que l’expérience nous montre que ce sont les entreprises qui sont le plus souvent en charge des calculs, soit de manière directe en communicant le résultat, soit en donnant tous les éléments nécessaires au calcul comme c’est le cas dans les attestations de salaire CPAM ou les attestations Pôle Emploi.
Les difficultés potentielles de l’impôt à la source
Au sein des entreprises, les informations nécessaires au calcul de l’impôt tel qu’il est réalisé aujourd’hui ne sont pas présentes dans les systèmes d’information actuels. La collecte des informations pose régulièrement des difficultés supplémentaires lorsqu’il s’agit de contrats courts.
Avec les déclarations informatisées, les informations manquantes ne permettront pas de valider le fichier lors du dépôt.
Enfin, le risque serait également de voir certaines entreprises sciemment modifier leur politique salariale en fonction de la situation fiscale de chaque collaborateur.
Un besoin de confidentialité, d’éthique et de sécurité des informations qui devra être clairement énoncé pour rassurer syndicats et salariés.
Les modalités d’application de cette réforme seront déterminantes pour faire de ce projet une réelle avancée. Aucune solution crédible ne pourra être envisagée sans une concertation avec les employeurs et une mise en place avec des entreprises pilotes. Les récentes déclarations du ministre de l’économie, qui a demandé à la CGPME (confédération des petites et moyennes entreprises), de trouver un panel de volontaires vont ainsi dans le bon sens.
Bien évidemment, nous restons, chez Calexa group, vigilants aux débats autour de cette réforme, qui impactera sans nul doute les systèmes d’information de toutes nos entreprises.
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